20 juin 2011

Dirk Groten : "La réalité augmentée est le média de masse de demain"


Portrait Dirk Groten

Directeur de la technologie chez Layar, société néerlandaise, Dirk Groten est intervenu au séminaire IN'Tech sur la réalité augmentée au centre de recherche Grenoble Rhône-Alpes en avril dernier. Il revient sur les perspectives d'avenir de la réalité augmentée et l'expansion rapide de son entreprise, Layar.

Comment voyez-vous les choses évoluer dans la réalité augmentée ?

© Layar© Layar

Dirk Groten : Les lunettes de réalité augmentée vont jouer un grand rôle dans le futur. Elles nous permettront par exemple de voir la ville avec ses niveaux de pollution, d'accéder à des horaires de bus personnalisés, projetés directement sur l'arrêt, de visualiser les rues telles qu'elles étaient il y a 50 ans… Cela nous donnera un sens très différent de l'espace autour de nous. Actuellement, en milieu urbain, nous ne contrôlons pas ce que nous voyons. Les possibilités de transformer cela sont illimitées ! Tout le monde peut ajouter des contenus, informer le citoyen... et les artistes ont un rôle à jouer dans la plateforme de développement que nous leur ouvrons. Nous voyons la réalité augmentée comme un nouveau média de masse, comparable à la presse ou à Internet.

Quel est votre regard sur la France en matière de réalité augmentée ?

Dirk Groten : Il y a beaucoup d'activité dans ce domaine en France. C'est un pays assez important pour ma société, Layar. Le séminaire IN'Tech m'a permis de nouer de nouveaux contacts, d'entrevoir des perspectives de développement et de rencontrer des personnes qui souhaiteraient travailler chez nous. En France, je suis aussi impressionné par le travail de l'Inria du point de vue visuel. Les expériences de réalité augmentée très détaillées qu'il a développées avec la ville de Grenoble offrent une telle qualité aux objets virtuels (3D, architecture) que la visite devient plus qu'un simple jeu, c'est une véritable découverte. Les travaux sur l'audio de l'équipe de Jacques Lemordant sont également très intéressants, et Layar oublie trop souvent le rôle que l'audio peut jouer en réalité augmentée.

Quand et comment est née la société Layar ?

Dirk Groten : Layar a été fondée en 2009 à Amsterdam. C'était au départ une application sur téléphone mobile,  pour le système Android. Elle proposait d'ajouter au monde réel de l'information digitale, grâce à cinq "calques" (layer en anglais) de contenu, développés par des ingénieurs hollandais. Aujourd'hui, Layar est pour le grand public un navigateur sur téléphone mobile qui permet d'enrichir la réalité  d'informations en utilisant la caméra et le système de géo-localisation du GSM. On peut par exemple trouver les maisons à vendre autour du lieu où on se trouve, localiser le distributeur d'argent le plus proche, mais aussi jouer dans son environnement, faire de ce que l'on voit une œuvre d'art… J'ai rejoint l'entreprise peu après sa création pour m'occuper de la technologie. Je suis chargé de la plateforme fournisseur de contenu en réalité augmentée, sur laquelle des milliers de développeurs externes travaillent pour ajouter encore des "calques"  aux 1500 actuellement existants. Pour favoriser l'extension des layers, nous travaillons avec certaines universités dont les étudiants créent des jeux et des expériences de réalité augmentée pour notre plateforme. Nous offrons également un support technique à la communauté de développeurs, qui a créé des outils open source pour inventer des "calques". De 5 personnes en 2009, la société est passée aujourd'hui à 55 employés, la plupart à la technique, pour lancer des plateformes sur tous les systèmes : IPhone, Android, Symbian, bada… et encore d'autres en développement.

Jacques Lemordant : « La réalité augmentée peut vraiment permettre de voyager dans le temps »

Jacques Lemordant

Co-organisateur du séminaire  Intech ayant pour thème « Mobilité et réalité augmentée urbaine » le 7 avril à Montbonnot (38), Jacques Lemordant, membre de l'équipe WAM, fait le point sur les progrès réalisés en réalité augmentée et les enjeux technologiques.

Qu'attendiez-vous du séminaire Intech sur la mobilité et la réalité augmentée urbaine ?

Jacques Lemordant : Je travaille dans le projet Autonomie du pôle Minalogic, projet de guidage des déficients visuels uniquement par téléphone mobile, sans infrastructure spécifique. Pour sa mise en place, prévue fin 2011, nous avons besoin d'une cartographie de la ville de Grenoble plus précise que celle de la communauté OpenStreetMap dont nous disposons. Obtenir les données du service géomatique de la ville, d'une précision de 10 ou 20 cm, nous permettra d'avoir des applications de guidage pour les déficients visuels plus performantes. La ville de Grenoble et la communauté d'agglomération étant partants, le séminaire Intech a permis de créer une dynamique avec tous les acteurs du transport, y compris la SNCF. Résultat : l'amélioration de la cartographie OpenStreetMap de Grenoble est devenue envisageable et la communauté d'agglomération (Metro) va mettre à notre disposition un calcul d'itinéraire multimodal, rendant possible la réalisation sur mobile d'une application de transport globale sur Grenoble.  Evidemment, ce projet dépasse le cadre des déficients visuels et pourra être décliné pour les personnes sans handicap visuel. Il est utile d'être guidé en audio quand on traîne des bagages, par exemple. Mais nous savons aussi ajouter des informations visuelles au guidage sonore.

L'autre objectif de ce séminaire Intech était d'aborder la question d'un format unique pour les données géo localisées. Actuellement il y en a plusieurs, ce qui pose des problèmes d'interopérabilité. Au World Wide Web Consortium (W3C), nous étudions entre autres avec Dirk Groten, de Layar, les possibilités d'un standard qui normalise les points d'information, dans un premier temps les points d'intérêts simples (non mobiles par exemple) ayant des coordonnées physiques (longitude et latitude). L'équipe WAM travaille sur un navigateur de référence pour ce futur standard.

Une partie de ce séminaire était consacrée aux applications de la réalité augmentée en matière d'héritage culturel. Quelles sont-elles ?

© Layar

Jacques Lemordant : La réalité augmentée audio et visuelle peut vraiment permettre de voyager dans le temps. La première présentation nous a fait retourner dans le passé avec la reconstitution sonore du banquet du couronnement de Charles Quint, le 23 octobre 1520, dans l'hôtel de ville d'Aix-la Chapelle. L'université d'Aachen a créé cette visite sur iPhone assez spectaculaire. Ensuite le Centre de culture scientifique, technique et industrielle de Grenoble et l'Institut de la Communication et des Médias ont montré l'expérience Grenoble ville augmentée, qui permet de parcourir la ville avec des ambiances sonores et visuelles retraçant son histoire. La technologie de type navigateur de points d'intérêts avec contenu HTML5 et panoramiques audio-visuels a été créée par l'équipe WAM et vient d'être testée auprès du public. Nous attendons les retours, éventuellement les corrections, avant de publier cette application sur l'Apple Store. Enfin Artefacto nous a montré comment il est possible d'avancer dans le temps. Cette entreprise conçoit des produits sur mobile permettant de voir comment seront des bâtiments une fois restaurés, ou une fois construits.

Quels sujets ont le plus intéressé le public ?

Jacques Lemordant : Le public (environ 150 participants) s'est montré intéressé par le SDK (Software Development Kit) de Layar permettant de créer des applications de type réalité augmentée, la possibilité d'utiliser les plateformes hardware de ST-Ericsson pour anticiper le développement d'applications pour les nouveaux smartphones, la réalisation et l'accessibilité des visites de type héritage culturel et le problème de la mise à disposition des données publiques. 

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